Qu'est-ce qui se trame ?
La Risographie est une méthode d'impression qui utilise intrinsèquement la trame. Le grain si singulier, si particulier, si aimé de sa trame granulaire induite par la perforation à ultra haute température des "masters" (les pochoirs en papier végétal qui viennent s'enrouler autour du tambour encreur) est constitutif de l'impression et donne tout le "charme" au "traduction" de l'image que l'on imprime. Ainsi, un dessin en graphite sera tout à fait étonnant en risographie, mimant quasiment la main de l'artiste sur le papier, surtout si le support choisi est sélectionné avec soin.

On peut donc directement choisir d'utiliser toujours la trame dite "granulaire" ou stochastique (aléatoire), que l'image soit tramée à l'origine ou non, ou alors utiliser deux méthodes : tramer mécaniquement l'image selon les besoins et les couches utilisées (selon le nombre de couleurs) ou alors tramer avec les possibles de la machine qui permet aussi d'utiliser une trame mécanique en intervenant sur la linéature (ligne de point de trame par pouce) et l'orientation permettant aux couches de trames de se répartir parfaitement reproduisant quasiment les trames offset ou de sérigraphie (trame des 4 par 3 dans le métro) autrement appelé dans le métier "œil de perdrix").

Ces possibles ne sont pas seulement des possibles techniques.
La Martiennerie interroge pour sa part la risographie dans ces possibles même d'utilisation de la trame. Nous préparons un texte où devrait émerger des concepts esthétiques qui situeraient la maison de design dans une démarche entière et consciente de la fabrique de l'image, non plus comme une "imprimerie" au service d'une reproduction, mais bien et j'insiste comme une FABRIQUE, fabrique des notions de design, mais aussi fabrique d'une pensée, et fabrique dans le sens étymologique, une "forge", c'est à dire, à l'épreuve du feu, travailler, à l'élaboration du sens, de la signification et de de que l'image "pense".
Ce travail est indissociable de notre volonté de COOPÉRER avec tous les artistes qui nous confient leurs images, leurs illustrations, leurs dessins, leurs objets de design etc. "Faire œuvre ensemble" (l'étymologie de Coopérer, plutôt que collaborer) c'est toute la philosophie de la martiennerie. Et l'utilisation de la trame ne peut être une seule solution technique pour un "rendu" fidèle de l'image.
Nous ne développerons pas ici toutes les pensées qui traversent cette problématique, mais d'ores et déjà, en imprimant quelques photos et quelques illustrations d'artistes, il est clair que la martiennerie n'est pas une "imprimerie" de risographie comme les autres. Au-delà du fait que nous revendiquons de ne pas être de cette planète, nous tenons à interroger l'image dans son essence, sa polysémie et sa (re)production. Son statut, son sens, sa signification, son adresse, son existence, sa vérité, ses dimensions sensibles, ses enjeux, son histoire, sa matérialité, sa traduction, sa (re)création, son impression et donc sa trame, ce qui se trame, sur elle, "dedans" ce qui la tisse...

C'est un vaste sujet, Hans Belting écrit que les images « restent les piliers d’angle de tout ce que nous désirons comprendre du monde ». (Et le monde offre une complexité qu'on ne peut imprimer simplement en recherchant uniquement la fidélité à un original. La Risographie ne reproduit pas, elle traduit. Alors que peut-elle dans notre désir de comprendre les images du monde d'aujourd'hui ? La Martiennerie se propose de rechercher avec les artistes sinon les réponses, au moins les chemins merveilleux à emprunter qui nous mèneront à nous interroger encore !